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Etudes contestables, marketing efficace:
un livre démonte les ressorts du mythe Prozac
Cécile Prieur     LE MONDE 12.11.04 .

Tout a commencé par un colis enveloppé de papier kraft déposé un beau matin sur son paillasson. Sans cette précieuse liasse de documents en provenance des Etats-Unis, qui recelait les études cliniques ayant permis l'autorisation de mise sur le marché du Prozac, en 1987, Guy Hugnet ne se serait certainement pas risqué à cette plongée en profondeur au pays des psychotropes.

DansAntidépresseurs, la grande intoxication, ce journaliste indépendant, ancien cadre de l'industrie pharmaceutique, démonte avec précision et efficacité les mécanismes qui ont amené les antidépresseurs de seconde génération, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), à devenir quasiment des produits de consommation courante en France.

Preuves à l'appui, il inspecte les fondations du "mythe Prozac", affirmant tranquillement que la petite gélule blanche et verte est une "molécule à peine plus efficace qu'un placebo dans la dépression et qui a pourtant fait un tabac dans le monde entier".

Le dossier NDA n° 18-936, qu'a réussi à se procurer Guy Hugnet, est constitué des quatre études cliniques contre placebo retenues par la Food and Drug Administration (FDA) pour autoriser le laboratoire pharmaceutique Lilly à mettre sur le marché sa molécule, la fluoxétine (Prozac). Surprise ! deux de ces études ne révèlent aucune supériorité du Prozac sur le placebo ; une autre indique qu'il existe un effet sur un nombre limité de personnes qui prenaient également des anxiolytiques et des hypnotiques ; et la dernière montre une efficacité plus grande du Prozac, mais sur un échantillon infime de 37 patients. "Aussi stupéfiant que cela puisse paraître, si l'on fait le total des patients ayant été au bout des essais cliniques, on aboutit au nombre incroyablement faible de 286 patients, écrit Guy Hugnet. Voilà le socle scientifique à partir duquel la "pilule du bonheur" a pu rayonner sur le monde entier et réaliser l'un des chiffres d'affaires les plus importants dans l'histoire du médicament."

A peine lancé sur le marché, le Prozac accède rapidement au statut envié de "blockbuster", ces médicaments, piliers de l'industrie pharmaceutique, qui génèrent un chiffre d'affaires de près de 1 milliard de dollars par an. Pressentant que les troubles psychiques ouvraient un formidable marché commercial, les laboratoires commercialisant les ISRS ont révolutionné l'approche de la dépression en mettant leurs molécules "entre les mains des généralistes".

Réputés faciles à prescrire et ne présentant que peu d'effets secondaires, les Prozac, Zoloft et autres Deroxat ont fait alors l'objet d'une politique de marketing agressive, relayée auprès des médecins par des bataillons de visiteurs médicaux et une myriade de publications dans la presse spécialisée. Tout en fabriquant des médicaments, les laboratoires "fabriquent aussi, de manière moins visible, des points de vue sur les maladies", explique le Gallois David Healy, professeur de psychiatrie et de neuropsychopharmacologie, dans Le Temps des antidépresseurs (Seuil, coll. "Les empêcheurs de penser en rond", 2002).

L'un des grands mérites de l'enquête de Guy Hugnet est d'éclairer la toile de fond de l'explosion de la consommation des antidépresseurs. L'arrivée sur le marché de la "molécule miracle" coïncide avec le triomphe, dans les années 1980, de l'approche biologique de la psychiatrie sur une clinique plus classique, centrée sur le sujet. Fondée sur les critères du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) américain, cette vision des troubles psychiques a essaimé dans le monde entier. "En matière de troubles mentaux, nous sommes tous devenus des Américains", note l'auteur avec ironie.

Les troubles psychiques sont dorénavant décrits comme une collection de symptômes, tous susceptibles d'être corrigés par des médicaments. L'auteur estime qu'il existerait une "alliance objective" entre la psychiatrie biologique et l'industrie pharmaceutique : "C'est cette révolution qui explique en grande partie l'essor fulgurant des diagnostics de dépression et, partant, des prescriptions d'antidépresseurs." C'est à cette "médicalisation de l'existence", tendue vers un seul but, "la consommation maximale", que ce livre invite à réfléchir, sinon à résister.

 

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Dernière modification : 8/01/05